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LES ROUGON-MACQUART


Et, comme on quittait la table, elle gronda encore la comtesse Sabine de s’être tant fait désirer, cette année-là. Mais la comtesse se défendait, rejetait leurs retards sur son mari ; deux fois, à la veille de partir, les malles fermées, il avait donné contre-ordre, en parlant d’affaires urgentes ; puis, il s’était décidé tout d’un coup, au moment où le voyage semblait enterré. Alors, la vieille dame raconta que Georges lui avait de même annoncé son arrivée à deux reprises, sans paraître, et qu’il était tombé l’avant-veille aux Fondettes, lorsqu’elle ne comptait plus sur lui. On venait de descendre au jardin. Les deux hommes, à droite et à gauche de ces dames, les écoutaient, silencieux, faisant le gros dos.

— N’importe, dit madame Hugon, en mettant des baisers sur les cheveux blonds de son fils, Zizi est bien gentil d’être venu s’enfermer à la campagne avec sa mère… Ce bon Zizi, il ne m’oublie pas !

L’après-midi, elle éprouva une inquiétude. Georges, qui tout de suite, au sortir de table, s’était plaint d’une lourdeur de tête, parut peu à peu envahi par une migraine atroce. Vers quatre heures, il voulut monter se coucher, c’était le seul remède ; quand il aurait dormi jusqu’au lendemain, il se porterait parfaitement. Sa mère tint à le mettre au lit elle-même. Mais, comme elle sortait, il sauta donner un tour à la serrure, il prétexta qu’il s’enfermait pour qu’on ne vînt pas le déranger ; et il criait bonsoir ! à demain, petite mère ! d’une voix de caresse, tout en promettant de ne faire qu’un somme. Il ne se recoucha pas, le teint clair, les yeux vifs, se rhabillant sans bruit, puis attendant, immobile sur une chaise. Quand on sonna le dîner, il guetta le comte Muffat qui se dirigeait vers le salon. Dix minutes plus tard, certain de n’être pas vu, il alla lestement par la fe-