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NANA

Et, quand il vint la reprendre à la taille, il ajouta :

— Nous la rallumerons dans un instant.

Alors, en écoutant le rouge-gorge, tandis que le petit se serrait contre elle, Nana se souvint. Oui, c’était dans des romances qu’elle avait vu tout ça. Autrefois, elle eût donné son cœur, pour avoir la lune ainsi, et des rouges-gorges, et un petit homme plein d’amour. Mon Dieu ! elle aurait pleuré, tant ça lui paraissait bon et gentil ! Bien sûr qu’elle était née pour vivre sage. Elle repoussait Georges qui s’enhardissait.

— Non, laisse-moi, je ne veux pas… Ce serait très vilain, à ton âge… Écoute, je resterai ta maman.

Des pudeurs lui venaient. Elle était toute rouge. Personne ne pouvait la voir, pourtant ; la chambre s’emplissait de nuit derrière eux, tandis que la campagne déroulait le silence et l’immobilité de sa solitude. Jamais elle n’avait eu une pareille honte. Peu à peu, elle se sentait sans force, malgré sa gêne et ses révoltes. Ce déguisement, cette chemise de femme et ce peignoir, la faisaient rire encore. C’était comme une amie qui la taquinait.

— Oh ! c’est mal, c’est mal, balbutia-t-elle, après un dernier effort.

Et elle tomba en vierge dans les bras de cet enfant, en face de la belle nuit. La maison dormait.

Le lendemain, aux Fondettes, quand la cloche sonna le déjeuner, la table de la salle à manger n’était plus trop grande. Une première voiture avait amené ensemble Fauchery et Daguenet ; et, derrière eux, débarqué du train suivant, venait d’arriver le comte de Vandeuvres. Georges descendit le dernier, un peu pâle, les yeux battus. Il répondait que ça allait beaucoup mieux, mais qu’il était encore