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Page:Zola - Nana.djvu/196

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LES ROUGON-MACQUART

étourdi par la violence de la crise. Madame Hugon, qui le regardait dans les yeux avec un sourire inquiet, ramenait ses cheveux mal peignés ce matin-là, pendant qu’il se reculait, comme gêné de cette caresse. À table, elle plaisanta affectueusement Vandeuvres, qu’elle disait attendre depuis cinq ans.

— Enfin, vous voilà… Comment avez-vous fait ?

Vandeuvres le prit sur un ton plaisant. Il racontait qu’il avait perdu un argent fou, la veille, au cercle. Alors, il était parti, avec l’idée de faire une fin en province.

— Ma foi, oui, si vous me trouvez une héritière dans la contrée… Il doit y avoir ici des femmes délicieuses.

La vieille dame remerciait également Daguenet et Fauchery d’avoir bien voulu accepter l’invitation de son fils, lorsqu’elle éprouva une joyeuse surprise, en voyant entrer le marquis de Chouard, qu’une troisième voiture amenait.

— Ah ! çà, s’écria-t-elle, c’est donc un rendez-vous, ce matin ? Vous vous êtes donné le mot… Que se passe-t-il ? Voilà des années que je n’ai pu vous réunir, et vous tombez tous à la fois… Oh ! je ne me plains pas.

On ajouta un couvert. Fauchery se trouvait près de la comtesse Sabine, qui le surprenait par sa gaieté vive, elle qu’il avait vue si languissante, dans le salon sévère de la rue Miromesnil. Daguenet, assis à la gauche d’Estelle, paraissait au contraire inquiet du voisinage de cette grande fille muette, dont les coudes pointus lui étaient désagréables. Muffat et Chouard avaient échangé un regard sournois. Cependant, Vandeuvres poussait la plaisanterie de son prochain mariage.

— À propos de dame, finit par lui dire madame