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LES ROUGON-MACQUART

son beau-père aimait le théâtre. La porte de la loge avait dû rester ouverte, le marquis de Chouard, qui était sorti afin de laisser sa place aux visiteurs, redressait sa haute taille de vieillard, la face molle et blanche sous un chapeau à larges bords, suivant de ses yeux troubles les femmes qui passaient.

Dès que la comtesse eut fait son invitation, Fauchery prit congé, sentant qu’il serait inconvenant de parler de la pièce. La Faloise sortit le dernier de la loge. Il venait d’apercevoir, dans l’avant-scène du comte de Vandeuvres, le blond Labordette, carrément installé, s’entretenant de très près avec Blanche de Sivry.

— Ah ! çà, dit-il dès qu’il eut rejoint son cousin, ce Labordette connaît donc toutes les femmes ?… Le voilà maintenant avec Blanche.

— Mais sans doute, il les connaît toutes, répondit tranquillement Fauchery. D’où sors-tu donc, mon cher ?

Le couloir s’était un peu déblayé. Fauchery allait descendre, lorsque Lucy Stewart l’appela. Elle était tout au fond, devant la porte de son avant-scène. On cuisait là-dedans, disait-elle ; et elle occupait la largeur du corridor, en compagnie de Caroline Héquet et de sa mère, croquant des pralines. Une ouvreuse causait maternellement avec elles. Lucy querella le journaliste : il était gentil, il montait voir les autres femmes et il ne venait seulement pas demander si elles avaient soif ! Puis, lâchant ce sujet :

— Tu sais, mon cher, moi je trouve Nana très bien.

Elle voulait qu’il restât dans l’avant-scène pour le dernier acte, mais lui s’échappa, en promettant de les prendre à la sortie. En bas, devant le théâtre, Fauchery et la Faloise allumèrent des cigarettes. Un