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LES ROUGON-MACQUART

Muffat : derrière la comtesse, blanche et sérieuse, le comte se haussait, béant, la face marbrée de taches rouges ; tandis que, près de lui, dans l’ombre, les yeux troubles du marquis de Chouard étaient devenus deux yeux de chat, phosphorescents, pailletés d’or. On suffoquait, les chevelures s’alourdissaient sur les têtes en sueur. Depuis trois heures qu’on était là, les haleines avaient chauffé l’air d’une odeur humaine. Dans le flamboiement du gaz, les poussières en suspension s’épaississaient, immobiles au-dessous du lustre. La salle entière vacillait, glissait à un vertige, lasse et excitée, prise de ces désirs ensommeillés de minuit, qui balbutient au fond des alcôves. Et Nana, en face de ce public pâmé, de ces quinze cents personnes entassées, noyées dans l’affaissement et le détraquement nerveux d’une fin de spectacle, restait victorieuse avec sa chair de marbre, son sexe assez fort pour détruire tout ce monde et n’en être pas entamé.

La pièce s’acheva. Aux appels triomphants de Vulcain, tout l’Olympe défilait devant les amoureux, avec des oh ! et des ah ! de stupéfaction et de gaillardise. Jupiter disait : « Mon fils, je vous trouve léger de nous appeler pour voir ça. » Puis, un revirement avait lieu en faveur de Vénus. Le chœur des cocus, introduit de nouveau par Iris, suppliait le maître des dieux de ne pas donner suite à sa requête ; depuis que les femmes demeuraient au logis, la vie y devenait impossible pour les hommes ; ils aimaient mieux être trompés et contents, ce qui était la morale de la comédie. Alors, on délivrait Vénus. Vulcain obtenait une séparation de corps. Mars se remettait avec Diane. Jupiter, pour avoir la paix dans son ménage, envoyait sa petite blanchisseuse dans une constellation. Et l’on tirait enfin l’Amour de son