Page:Zola - Nana.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
NANA

débarquant à la gare, venait-il de prendre une voiture pour embrasser plus vite sa bonne chérie. Il parlait de vivre désormais près d’elle, comme là-bas, quand il l’attendait pieds nus, dans la chambre de la Mignotte. Et, tout en contant son histoire, il avançait les doigts, par un besoin de la toucher, après cette cruelle année de séparation ; il s’emparait de ses mains, fouillait dans les larges manches du peignoir, remontait jusqu’aux épaules.

— Tu aimes toujours ton bébé ? demanda-t-il de sa voix d’enfant.

— Bien sûr que je l’aime ! répondit Nana, qui se dégagea d’un mouvement brusque. Mais tu tombes sans crier gare… Tu sais, mon petit, je ne suis pas libre. Il faut être sage.

Georges, descendu de voiture dans l’éblouissement d’un long désir enfin contenté, n’avait pas même vu les lieux où il entrait. Alors, il eut conscience d’un changement autour de lui. Il examina la riche salle à manger, avec son haut plafond décoré, ses Gobelins, son dressoir éblouissant d’argenterie.

— Ah ! oui, dit-il tristement.

Et elle lui fit entendre qu’il ne devait jamais venir le matin. L’après-midi, s’il voulait, de quatre à six ; c’était l’heure où elle recevait. Puis, comme il la regardait d’un air suppliant d’interrogation, sans rien demander, elle le baisa à son tour sur le front, en se montrant très bonne.

— Sois bien sage, je ferai mon possible, murmura-t-elle.

Mais la vérité était que ça ne lui disait plus rien. Elle trouvait Georges très gentil, elle aurait voulu l’avoir pour camarade, pas davantage. Cependant, quand il arrivait tous les jours à quatre heures, il semblait si malheureux, qu’elle cédait souvent en-