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NANA

— Bah ! dit-elle en plaisantant, il peut bien perdre, puisqu’il va tous les nettoyer aux courses.

Il se contenta de répondre par un mince sourire mystérieux. Puis, légèrement :

— À propos, je me suis permis de donner votre nom à mon outsider, une pouliche… Nana, Nana, cela sonne bien. Vous n’êtes point fâchée ?

— Fâchée, pourquoi ? dit-elle, ravie au fond.

La causerie continuait, on parlait d’une prochaine exécution capitale où la jeune femme brûlait d’aller, lorsque Satin parut à la porte du cabinet de toilette, en l’appelant d’un ton de prière. Elle se leva aussitôt, elle laissa ces messieurs mollement étendus, achevant leur cigare, discutant une grave question, la part de responsabilité chez un meurtrier atteint d’alcoolisme chronique. Dans le cabinet de toilette, Zoé, tombée sur une chaise, pleurait à chaudes larmes, tandis que Satin vainement tâchait de la consoler.

— Quoi donc ? demanda Nana surprise.

— Oh ! chérie, parle-lui, dit Satin. Il y a vingt minutes que je veux lui faire entendre raison… Elle pleure parce que tu l’as appelée dinde.

— Oui, madame…, c’est bien dur…, c’est bien dur…, bégaya Zoé, étranglée par une nouvelle crise de sanglots.

Du coup, ce spectacle attendrit la jeune femme. Elle eut de bonnes paroles. Et, comme l’autre ne se calmait pas, elle s’accroupit devant elle, la prit à la taille, dans un geste de familiarité affectueuse.

— Mais, bête, j’ai dit dinde comme j’aurais dit autre chose. Est-ce que je sais ! J’étais en colère… Là, j’ai eu tort, calme-toi.

— Moi qui aime tant madame… balbutiait Zoé. Après tout ce que j’ai fait pour madame…

Alors, Nana embrassa la femme de chambre. Puis,