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NANA

des messieurs installaient une buvette, où venaient boire Tatan, Maria, Simonne et les autres ; tandis que, près de là, en l’air, on vidait des bouteilles sur le mail-coach de Léa de Horn, toute une bande se grisant dans le soleil, avec des bravades et des poses, au-dessus de la foule. Mais bientôt on se pressa surtout devant le landau de Nana. Debout, elle s’était mise à verser des verres de champagne aux hommes qui la saluaient. L’un des valets de pied, François, passait les bouteilles, pendant que la Faloise, tâchant d’attraper une voix canaille, lançait un boniment.

— Approchez, messieurs… C’est pour rien… Tout le monde en aura.

— Taisez-vous, mon cher, finit par dire Nana. Nous avons l’air de saltimbanques.

Elle le trouvait bien drôle, elle s’amusait beaucoup. Un instant, elle eut l’idée d’envoyer par Georges un verre de champagne à Rose Mignon, qui affectait de ne pas boire. Henri et Charles s’ennuyaient à crever ; ils auraient voulu du champagne, les petits. Mais Georges but le verre, craignant une dispute. Alors, Nana se souvint de Louiset, qu’elle oubliait derrière elle. Peut-être avait-il soif ; et elle le força à prendre quelques gouttes de vin, ce qui le fit horriblement tousser.

— Approchez, approchez, messieurs, répétait la Faloise. Ce n’est pas deux sous, ce n’est pas un sou… Nous le donnons…

Mais Nana l’interrompit par une exclamation.

— Eh ! Bordenave, là-bas !… Appelez-le, oh ! je vous en prie, courez !

C’était Bordenave, en effet, se promenant les mains derrière le dos, avec un chapeau que le soleil rougissait, et une redingote graisseuse, blanchie aux