Page:Zola - Nana.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
409
NANA

milieu de la piste déserte. Plus haut, vers la gauche, un homme parut, un drapeau rouge à la main.

— C’est le starter, le baron de Mauriac, répondit Labordette à une question de Nana.

Autour de la jeune femme, parmi les hommes qui se pressaient jusque sur les marche-pied de sa voiture, des exclamations s’élevaient, une conversation continuait, sans suite, par mots jetés sous le coup immédiat des impressions. Philippe et Georges, Bordenave, la Faloise ne pouvaient se taire.

— Ne poussez donc pas !… Laissez-moi voir… Ah ! le juge entre dans sa guérite… Vous dites que c’est monsieur de Souvigny ?… Hein ? il faut de bons yeux pour pincer une longueur de nez, dans une pareille mécanique !… Taisez-vous donc, on lève l’oriflamme… Les voilà, attention !… C’est Cosinus qui est le premier.

Une oriflamme jaune et rouge battait dans l’air, au bout du mât. Les chevaux arrivaient un à un, conduits par des garçons d’écurie, avec les jockeys en selle, les bras abandonnés, faisant au soleil des taches claires. Après Cosinus, Hasard et Boum parurent. Puis, un murmure accueillit Spirit, un grand bai brun superbe, dont les couleurs dures, citron et noir, avaient une tristesse britannique. Valerio II obtint un succès d’entrée, petit, très vif, en vert tendre, liséré de rose. Les deux Vandeuvres se faisaient attendre. Enfin, derrière Frangipane, les couleurs bleues et blanches se montrèrent. Mais Lusignan, un bai très foncé, d’une forme irréprochable, fut presque oublié dans la surprise que causa Nana. On ne l’avait pas vue ainsi, le coup de soleil dorait la pouliche alezane d’une blondeur de fille rousse. Elle luisait à la lumière comme un louis neuf, la poitrine profonde, la tête et l’encolure légères, dans l’élancement nerveux et fin de sa longue échine.