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LES ROUGON-MACQUART

Quand il l’eut aidée, elle soupira, se trouvant mieux. Et elle revint sur le beau spectacle d’un procès en séparation. Voyait-il l’avocat de la comtesse amuser Paris, en parlant de Nana ? Tout y aurait passé, son four aux Variétés, son hôtel, sa vie. Ah ! non, par exemple, elle ne tenait pas à tant de réclame ! De sales femmes l’auraient peut-être poussé, pour battre la grosse caisse sur son dos ; mais elle, avant tout, voulait son bonheur. Elle l’avait attiré, elle le tenait maintenant, la tête au bord de l’oreiller, près de la sienne, un bras passé à son cou ; et elle lui souffla doucement :

— Écoute, mon chat, tu vas te remettre avec ta femme.

Il se révolta. Jamais ! Son cœur éclatait, c’était trop de honte. Elle, pourtant, insistait avec tendresse.

— Tu vas te remettre avec ta femme… Voyons, tu ne veux pas entendre dire partout que je t’ai détourné de ton ménage ? Ça me ferait une trop vilaine réputation, que penserait-on de moi ?… Seulement, jure que tu m’aimeras toujours, parce que, du moment où tu iras avec une autre…

Les larmes la suffoquaient. Il l’interrompit par des baisers, en répétant :

— Tu es folle, c’est impossible !

— Si, si, reprit-elle, il le faut… Je me ferai une raison. Après tout, elle est ta femme. Ce n’est pas comme si tu me trompais avec la première venue.

Et elle continua ainsi, lui donnant les meilleurs conseils. Même elle parla de Dieu. Il croyait entendre M. Venot, quand le vieillard le sermonnait, pour l’arracher au péché. Elle, cependant, ne parlait pas de rompre ; elle prêchait des complaisances, un partage de bonhomme entre sa femme et sa maîtresse, une vie de tranquillité, sans embêtement pour per-