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LES ROUGON-MACQUART


— Tu n’as pas d’argent, toi ?

— Non.

— C’est vrai, que je suis bête ! Jamais un radis, pas même les six sous de leur omnibus… Maman ne veut pas… En voilà des hommes !

Et elle s’échappait. Mais il la retint, il voulait lui parler. Elle, lancée répétait qu’elle n’avait pas le temps, lorsque d’un mot il l’arrêta.

— Écoute, je sais que tu vas épouser mon frère.

Ça, par exemple, c’était comique. Elle se laissa tomber sur une chaise pour rire à l’aise.

— Oui, continua le petit. Et je ne veux pas… C’est moi que tu vas épouser… Je viens pour ça.

— Hein ? comment ? toi aussi ! cria-t-elle, c’est donc un mal de famille ?… Mais, jamais ! en voilà un goût ! est-ce que je vous ai demandé une saleté pareille ?… Ni l’un ni l’autre, jamais !

La figure de Georges s’éclaira. S’il s’était trompé par hasard ? Il reprit :

— Alors, jure-moi que tu ne couches pas avec mon frère.

— Ah ! tu m’embêtes à la fin ! dit Nana, qui s’était levée, reprise d’impatience. C’est drôle une minute, mais quand je te répète que je suis pressée !… Je couche avec ton frère, si ça me fait plaisir. Est-ce que tu m’entretiens, est-ce que tu paies ici, pour exiger des comptes ?… Oui, j’y couche, avec ton frère…

Il lui avait saisi le bras, il le serrait à le casser, en bégayant :

— Ne dis pas ça… ne dis pas ça…

D’une tape, elle se dégagea de son étreinte.

— Il me bat maintenant ! Voyez-vous ce gamin !… Mon petit, tu vas filer, et tout de suite… Moi, je te gardais par gentillesse. Parfaitement ! Quand tu fe-