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NANA

— Il voulait m’épouser, j’ai dit non, et il s’est tué.

Sans un cri, madame Hugon se baissa. Oui, c’était l’autre, c’était Georges. L’un déshonoré, l’autre assassiné. Cela ne la surprenait pas, dans l’écroulement de toute sa vie. Agenouillée sur le tapis, ignorante du lieu où elle était, n’apercevant personne, elle regardait fixement le visage de Georges, elle écoutait, une main sur son cœur. Puis, elle poussa un faible soupir. Elle avait senti le cœur battre. Alors, elle leva la tête, examina cette chambre et cette femme, parut se rappeler. Une flamme s’allumait dans ses yeux vides, elle était si grande et si terrible de silence, que Nana tremblait, en continuant de se défendre, par-dessus ce corps qui les séparait.

— Je vous jure, madame… Si son frère était là, il pourrait vous expliquer…

— Son frère a volé, il est en prison, dit la mère durement.

Nana resta étranglée. Mais pourquoi tout ça ? l’autre avait volé, à présent ! ils étaient donc fous, dans cette famille ! Elle ne se débattait plus, n’ayant pas l’air chez elle, laissant madame Hugon donner des ordres. Des domestiques avaient fini par accourir, la vieille dame voulut absolument qu’ils descendissent Georges évanoui dans sa voiture. Elle aimait mieux le tuer et l’emporter de cette maison. Nana, de ses regards stupéfaits, suivit les domestiques qui tenaient ce pauvre Zizi par les épaules et par les jambes. La mère marchait derrière, épuisée maintenant, s’appuyant aux meubles, comme jetée au néant de tout ce qu’elle aimait. Sur le palier, elle eut un sanglot, elle se retourna et dit à deux reprises :

— Ah ! vous nous avez fait bien du mal !… Vous nous avez fait bien du mal !

Ce fut tout. Nana s’était assise, dans sa stupeur,