Page:Zola - Travail.djvu/107

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venait là chez un maçon, resté veuf avec six enfants, dont deux fillettes en bas âge ; et, le jeune homme s’étant trouvé dans le taudis, les deux fillettes sur ses genoux, un soir qu’elle y avait apporté du linge et du pain, la connaissance s’était faite, il avait eu l’occasion d’aller lui rendre visite, à l’hôtel du parc Monceau, pour leurs charités communes. Une grande sympathie les avait peu à peu rapprochés, il était devenu son aide, son messager ignoré de tous, dans des affaires qu’eux seuls connaissaient. Et c’était ainsi qu’il avait fini par fréquenter l’hôtel, invité aux soirées pendant deux hivers, et qu’il y avait même connu les Jordan.

« Si vous saviez comme on vous regrette, comme on vous a pleurée ! » se contenta-t-il d’ajouter, pour toute allusion à leur complicité ancienne de braves cœurs.

Elle eut un geste ému, elle murmura :

« Quand je songe à vous, je suis navrée que vous ne soyez pas ici, où il y aurait tant à faire ! »

Mais il venait d’apercevoir Paul, qui accourait, des fleurettes à la main, et il se récria, en le trouvant si grandi. Très blond, mince et souriant, l’air doux, l’enfant ressemblait beaucoup à sa mère.

« Eh ! dit celle-ci avec gaieté, il va avoir sept ans bientôt, c’est un petit homme. »

Tous deux s’étaient assis, causant fraternellement, dans la tiédeur de la radieuse journée de septembre, si perdus au fond de leurs bons souvenirs, qu’ils ne virent même pas Boisgelin descendre le perron et s’avancer vers eux. Portant beau, très correct dans son beston de campagne, et le monocle à l’œil, Boisgelin était un grand bellâtre, aux yeux gris, au nez fort, les moustaches cirées, ramenant en boucles ses cheveux bruns sur son front étroit, que découvrait déjà un commencement de calvitie.

« Bonjour, mon cher Froment, cria-t-il de sa voix