Page:Zola - Travail.djvu/137

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de la chasse à courre, s’inquiéta de savoir si le jeune homme serait encore à Beauclair, pour y assister. Il répondit qu’il n’en savait rien, mais qu’il ne fallait point compter sur lui. Souriante, Suzanne l’écoutait. Puis, les yeux humides de leur fraternelle sympathie elle lui serra la main de nouveau.

« Au revoir, mon ami. »

Et, lorsque la victoria partit enfin, Luc rencontra une dernière fois les yeux de M. Jérôme, qui lui semblaient aller de Fernande à Suzanne, dans une lente observation de la destruction suprême sa race était menacée. N’était-ce pas une illusion d’ailleurs, n’y avait-il pas eu simplement, au fond de ses yeux, l’unique émotion qui parfois y luisait en un vague sourire, quand il regardait sa chère petite-fille, la seule qu’il aimât et qu’il voulût bien reconnaître encore ?

Dans la victoria, pendant qu’elle roulait vers Beauclair, Luc ne tarda pas à comprendre pourquoi Delaveau avait tant désiré le ramener avec lui. Ce dernier se remit à le questionner sur son brusque voyage, sur ce qu’il était venu faire, sur la direction nouvelle que Jordan allait donner à son haut fourneau, maintenant que Laroche, l’ancien ingénieur, était mort. Un des projets secrets de Delaveau avait toujours été d’acheter le haut fourneau, ainsi que le vaste terrain qui le séparait de son usine, de façon à doubler la valeur de l’Abîme, en y englobant la Crêcherie. Mais c’était là un bien gros morceau, il n’avait espéré d’abord qu’une extension lente et progressive, ne comptant pas de longtemps avoir l’argent nécessaire. Pourtant, la mort subite de Laroche venait d’enfiévrer son désir, il s’était dit qu’il pourrait peut-être s’arranger avec Jordan, qu’il savait enfoncé dans ses études et désireux de se débarrasser d’une gestion qui le tracassait. Et voilà pourquoi la venue soudaine de Luc, appelé par Jordan, l’avait si vivement ému, dans la crainte que le