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de pousser plus avant les galeries, ou mieux d’en ouvrir de nouvelles à un flanc de la gorge qu’il indiquait, si l’on voulait retrouver l’excellent minerai d’autrefois. Et il appuyait sa certitude sur des faits d’observation, sur sa connaissance de toutes les roches du voisinage, dont il gravissait, fouillait les pentes, depuis quarante ans. Évidemment, il n’avait pas la science, il n’était qu’un pauvre ouvrier, n’osant se permettre d’entrer en lutte avec messieurs les ingénieurs. Tout de même, il s’étonnait qu’on n’eût pas confiance en son flair et qu’on eût haussé les épaules, sans consentir seulement à s’assurer de la nature des terrains par quelques sondages.

La tranquille conviction où était cet homme, frappa Luc vivement, d’autant plus qu’il jugeait avec sévérité l’inertie du vieux Laroche, l’abandon où il avait laissé la mine, depuis la découverte du procédé chimique qui aurait permis d’en utiliser avec profit le minerai défectueux. Cela disait dans quel ensommeillement de routine était tombée l’exploitation du haut fourneau. Dès aujourd’hui, la mine était à reprendre, même s’il fallait se contenter d’en traiter le minerai chimiquement. Et que serait-ce, si la certitude de Morfain se réalisait, si l’on retombait sur de nouveaux filons riches et purs ! Aussi accepta-t-il la proposition du maître fondeur, d’aller tout de suite faire une promenade du côté des galeries abandonnées, pour qu’il pût lui expliquer son idée sur les terrains mêmes. Par cette claire et fraîche matinée de septembre, ce fut une course délicieuse, au travers des rochers, dans de sauvages solitudes, qui embaumaient la lavande. Pendant trois heures, aux flancs des gorges, les deux hommes grimpèrent, visitèrent des grottes, suivirent des rampes couvertes de pins, où la pierre perçait, telle que le squelette de quelque grand corps enfoui. Et, peu à peu, la conviction de Morfain passait dans l’esprit de Luc, lui apportait du moins une espérance, tout un trésor que la