Page:Zola - Travail.djvu/190

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esclave de l’État, sacrifiant à l’État sa personnalité totale. Il ne voyait rien au-delà de la même leçon, apprise par tous de la même manière, dans le même but de servir la communauté. Et telle était sa dure et triste religion d’une démocratie libérée du passé à coups de punitions, de nouveau condamnée au travail forcé, décrétant le bonheur sous la férule obéie des maîtres.

« En dehors du catholicisme, il n’y a que ténèbres, répéta obstinément l’abbé Marle.

— Mais il s’effondre ! cria Hermeline. C’est bien pour cela qu’il nous faut refaire une autre charpente sociale. »

Sans doute, le prêtre avait conscience de la suprême bataille livrée par le catholicisme à l’esprit de la science, dont la victoire s’élargissait chaque jour. Mais il ne voulait pas le reconnaître, il ne s’avouait même pas que, peu à peu, son église se vidait.

« Le catholicisme ! reprit-il, la charpente en est encore si éternelle, si divine, que c’est elle que vous copiez, quand vous parlez de reconstruire je ne sais quel État athée, où vous remplaceriez Dieu par une mécanique qui instruirait et qui gouvernerait les hommes !

— Une mécanique, pourquoi pas ? cria Hermeline, exaspéré de la part de vérité qu’il y avait dans l’attaque du prêtre.

Rome n’a jamais été qu’un pressoir, qui a bu le sang du monde. »

Quand la discussion, entre eux, en arrivait à ces violences, le docteur Novarre intervenait, de son air souriant et conciliateur.

« Voyons, voyons, ne vous échauffez pas. Vous voilà sur le point de vous entendre, puisque vous en êtes à vous accuser de copier vos religions l’une sur l’autre. »

Lui, petit, fluet, avec un nez fin et des yeux vifs, était un esprit tolérant, très doux, un peu ironique, qui, s’étant donné à la science, refusait de se passionner pour les questions politiques et sociales. Il disait, comme Jordan,