Page:Zola - Travail.djvu/234

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bâtiment central. Ces écoles se divisaient en trois sections distinctes  : une crèche, pour les tout-petits, où les mères occupées pouvaient mettre leurs enfants, même au maillot  ; une école proprement dite, comprenant cinq divisions donnant une instruction complète  ; une série d’ateliers d’apprentissage, que les élèves fréquentaient concurremment avec les cinq classes, acquérant des métiers manuels à mesure que leurs connaissances générales se développaient. Et les deux sexes n’étaient point séparés, garçons et filles grandissaient côte à côte, depuis leurs berceaux qui se touchaient, jusqu’aux ateliers d’apprentissage qu’ils quittaient pour se marier en passant par les classes, où ils étaient mêlés comme ils le seraient dans l’existence, assis sur les mêmes bancs. Séparer dès l’enfance les deux sexes, les élever, les instruire différemment, dans l’ignorance l’un de l’autre, n’est-ce pas les rendre ennemis, pervertir et affoler par le mystère leur attrait naturel, faire que l’homme se rue et que la femme se réserve, dans un malentendu sans fin  ? Et la paix ne naîtra que lorsque l’intérêt commun apparaîtra aux deux camarades, se connaissant, ayant appris la vie aux mêmes sources se mettant ensemble en route pour la vivre logiquement, sainement comme elle doit être vécue.

Sœurette avait beaucoup aidé Luc pour l’installation des écoles. Pendant que Jordan s’enfermait dans son laboratoire, après avoir donné l’argent qu’il avait promis, tout en refusant d’examiner les comptes, de discuter les mesures à prendre, sa sœur se passionnait pour cette ville nouvelle, qu’elle voyait germer et naître sous ses yeux. Toujours il y avait eu en elle une gardeuse d’enfants, une éducatrice, une infirmière  ; et sa charité, qui, jusque-là, était seulement allée à de rares pauvres gens, que lui désignaient l’abbé Marle, le docteur Novarre, ou l’instituteur Hermeline, s’était trouvée tout d’un coup comme élargie,