Page:Zola - Travail.djvu/237

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doter d’une méthode, par l’usage quotidien de l’expérience. Sans méthode, il n’est pas de travail utile, c’est la méthode qui classe, qui permet d’acquérir toujours, sans rien perdre des acquisitions déjà faites. Et la science des livres se trouvait donc, sinon condamnée, du moins remise à son plan de moindre importance, car l’enfant n’apprend bien que ce qu’il voit, que ce qu’il touche, que ce qu’il comprend par lui-même. On ne le courbait plus en esclave sur des dogmes indiscutables, on ne lui imposait plus la personnalité tyrannique du professeur  : c’était à son initiative qu’on demandait de découvrir la vérité, de la pénétrer, de la rendre sienne. Il n’existe pas d’autre façon de faire des hommes, toute l’énergie individuelle de chaque élève en était éveillée, accrue. De même, on avait supprimé les châtiments et les récompenses, on ne comptait plus sur les menaces ni sur les caresses pour forcer les paresseux au travail. Il n’y avait pas de paresseux, il n’y avait que des enfants malades, des enfants comprenant mal ce qu’on leur expliquait mal, des enfants dans les cerveaux de qui on s’obstinait à faire entrer, à coups de férule, des connaissances pour lesquelles ils n’avaient aucune aptitude. Et il suffisait, si l’on voulait n’obtenir que de bons élèves, d’utiliser l’immense désir de savoir qui brûle au fond de chaque être, la curiosité inextinguible de l’enfant pour ce qui l’entoure, à ce point qu’il ne cesse de fatiguer les gens de ses questions. L’instruction n’était plus une torture, elle devenait un plaisir toujours renouvelé, du moment qu’on la rendait attrayante, en se contentant d’exciter les intelligences, de les diriger simplement dans leurs découvertes. Chacun a le droit et le devoir de se faire lui-même. Et il faut que l’enfant se fasse lui-même, il faut le laisser se faire au milieu du vaste monde, si l’on veut qu’il soit plus tard un homme, une énergie agissante, une volonté qui décide et dirige.