Page:Zola - Travail.djvu/255

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se bâtirait. Et, si Josine était toujours malheureuse, c’était que rien encore de solide ne se trouvait fondé, c’était que tout restait encore à faire. Dans son chagrin, il prévit des jours douloureux, il eut la nette sensation de la terrible lutte qui allait s’engager entre le passé et l’avenir, et où lui-même y laisserait de ses larmes et de son sang.

«  Ne pleurez pas, Josine, soyez brave, et je vous jure que vous serez heureuse, parce qu’il le faut, pour que tout le monde soit heureux.  »

Il avait dit cela si doucement, qu’elle trouva un sourire.

«  Oh  ! je suis brave, monsieur Luc, je sais bien que vous ne m’abandonnerez pas et que vous finirez par avoir raison, puisque vous êtes la bonté et le courage. J’attendrai, je vous le jure, dussé-je attendre toute ma vie.  »

C’était comme un engagement, un échange de promesses, dans l’espérance du bonheur à venir. Il s’était mis debout, il lui avait pris les deux mains, qu’il serrait  ; et il la sentit qui serrait les deux siennes  ; et il n’y eut, entre eux, que cette tendresse, cette union de quelques secondes. Quelle simple existence de paix et de joie on aurait vécue, dans la petite salle à manger, au meuble de sapin verni, si gaie et si propre  !

«  Au revoir, Josine.

— Au revoir, monsieur Luc.  »

Alors, Luc rentra chez lui. Et il suivait la terrasse, au bas de laquelle passait la route des Combettes, lorsqu’une dernière rencontre l’arrêta un instant. Il venait d’apercevoir, longeant les terrains de la Crêcherie, M. Jérôme, dans sa petite voiture, que poussait un domestique. Cette apparition lui en rappelait d’autres, des apparitions répétées, çà et là, de ce vieillard infirme dans cette voiture, surtout la première, celle où il l’avait vu