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ils criaient à l’abomination, la société craquait et s’effondrait, le jour où ils n’aggravaient plus de leurs gains de parasites la misère des pauvres.

Mais les plus touchés encore furent les Laboque, ces quincailliers, anciens colporteurs de foires, qui avaient fini par tenir une sorte de vaste bazar, à l’angle de la rue de Brias et de la place de la Mairie. Les prix des fers marchands étaient de beaucoup tombés dans la région, depuis que la Crêcherie en fabriquait des quantités considérables  ; et le pis était que, grâce au mouvement d’association qui gagnait les petites usines du voisinage, le moment semblait venir où les consommateurs, sans passer par les Laboque, se procureraient directement, dans les magasins coopératifs, clous des Chodorge, les faux et les serpes des Hausser, les machines et les outils agricoles des Mirande. Déjà, sans compter les fers, les magasins de la Crêcherie fournissaient plusieurs de ces articles, et le chiffre des affaires du bazar baissait chaque jour. Aussi les Laboque ne décoléraient-ils pas, exaspérés de ce qu’ils nommaient l’avilissement des prix, se considérant comme volés, dès l’instant qu’on empêchait leur rouage inutile de manger de l’énergie et de la richesse, sans autre profit que pour eux. Ils étaient devenus naturellement un centre actif d’hostilité et d’opposition, le foyer où flambaient peu à peu toutes les haines allumées par les reformes de Luc, dont le nom n’était plus prononcé qu’avec exécration. Là se rencontraient le boucher Dacheux, bégayant de rage réactionnaire, et l’épicier-cabaretier Caffiaux, plus froid, empoisonné de rancune, mais sachant peser son intérêt. Même la belle Mme  Mitaine, la boulangère, venait parfois et se désolait des clients qu’elle perdait, tout en inclinant à la bonne entente.

«  Vous ne le savez donc pas, criait Laboque, ce M. Luc, comme ils le nomment, n’a qu’une idée