Page:Zola - Travail.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

introduite et qui a pris cent sous dans la caisse, pendant que Mme  Dacheux regardait rire les mouches… Elle n’a pas pu nier, elle avait encore les cent sous dans la main. Et ce que je vous l’ai fait coffrer ! Elle est à la prison… C’est effrayant, effrayant ! On nous volera, on nous pillera bientôt, si nous n’y mettons pas bon ordre. »

Et ses regards soupçonneux surveillaient la viande, s’assuraient que des mains d’affamées, d’ouvrières sans travail n’en volaient pas des morceaux à l’étalage, comme elles voleraient l’or précieux, l’or divin, dans la sébile des changeurs.

Luc vit alors la Fauchard prendre peur et se retirer, avec la vague crainte que le boucher n’appelât un gendarme. Un moment, elle resta immobile, avec son petit Louis, au milieu de la rue, dans la bousculade, devant une belle boulangerie, ornée de glaces gaiement éclairée, qui se trouvait là, en face de la boucherie, et dont une des vitrines, ouverte, libre, étalait sous le nez des passants des gâteaux et de grands pains dorés. La mère et l’enfant, tombés en contemplation, regardaient les pains et les gâteaux. Et Luc, les oubliant, s’intéressa à ce qui se passait dans la boulangerie.

Une voiture venait de s’arrêter à la porte, un paysan en était descendu, avec un petit garçon de huit ans et une fillette de six. Au comptoir, était la boulangère, la belle Mme  Mitaine, une forte blonde restée superbe à trente-cinq ans, et dont tout le pays avait été amoureux, sans qu’elle eût cessé d’être fidèle à son mari, un homme maigre, silencieux et blême, qu’on voyait rarement, toujours à son pétrin ou à son four. Près d’elle, sur la banquette, son fils Évariste se trouvait assis, un garçonnet de dix ans, déjà grand, blond comme elle et d’un visage aimable, aux yeux tendres.

« Tiens ! monsieur Lenfant ! Comment allez-vous ?… Et