Page:Zola - Travail.djvu/319

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et le plus de calcul possible, à coups de maillet  !   »

Luc avait cessé de discuter, las de se heurter à cette intransigeance de sectaire, de catholique à rebours, ayant décrété le dogme du progrès, dont il ne voulait pas sortir. Et, tranquillement, il se contenta de répondre  : «  Oui, nous croyons qu’il est nécessaire de rendre le travail attrayant, de changer les études classiques en de continuelles leçons de choses, et notre but est de faire avant tout des volontés des hommes.  »

Alors, Hermeline éclata.

«  Eh bien  ! savez-vous ce que vous ferez  ? Vous ferez des déclassés, des révoltés. Il n’y a qu’un moyen de donner à l’État des citoyens, c’est de les fabriquer exprès pour lui, tels qu’il les lui faut, afin d’être fort et glorieux. De là, la nécessité d’une instruction disciplinée, identique, préparant au pays, d’après les programmes reconnus les meilleurs, les ouvriers, les professionnels, les fonctionnaires dont il a besoin. En dehors de l’autorité, il n’y a pas de certitude possible… Certes, j’ai fait mes preuves, je suis un républicain de la veille libre penseur et athée. Personne, j’espère, ne s’avisera de voir en moi un esprit rétrograde, et pourtant votre instruction, votre éducation libertaires, comme on dit, me jettent hors de moi, parce qu’avec elles, avant un demi-siècle, il n’y aurait plus de citoyens, plus de soldats, plus de nationaux… Oui, avec vos hommes libres, je vous défie bien de faire des soldats, et comment la patrie se défendrait-elle, en cas de guerre  ?

— Sans doute, en cas de guerre, il faudrait la défendre, dit Luc sans s’émouvoir. Mais, un jour, à quoi bon des soldats, si l’on ne se bat plus  ? Vous parlez comme le capitaine Jollivet, dans Le Journal de Beauclair, lorsqu’il nous accuse d’être des sans-patrie et des traîtres.  »

Cette ironie peu méchante acheva d’exaspérer Hermeline.

«  Le capitaine Jollivet est un imbécile que je méprise…