Page:Zola - Travail.djvu/321

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mauvaises déchaînées, l’autorité détruite, le royaume de Dieu remis sur la terre, ainsi qu’au temps des païens… Le tableau que vous venez de faire est si juste, que je ne saurais rien y ajouter de plus fort.  »

Gêné d’être loué de la sorte par le prêtre, avec lequel il ne s’entendait sur rien, l’instituteur s’était brusquement tu, les yeux au loin, regardant les pelouses du parc, comme s’il n’entendait pas.

«  Mais, poursuivit l’abbé Marle, plus encore que cette instruction démoralisante donnée ici, dans vos écoles, il est une chose que je ne puis pardonner, c’est que vous avez mis Dieu à la porte, c’est que volontairement vous avez oublié de bâtir une église, au milieu de votre ville nouvelle, parmi tant de belles et utiles constructions… Prétendez-vous donc vivre sans Dieu  ? Jusqu’ici, aucun État n’a pu s’en passer, une religion a toujours été nécessaire au gouvernement des hommes.

— Je ne prétends rien du tout, répondit Luc. Chaque homme est libre de sa foi, et si une église n’a pas été bâtie, c’est qu’aucun de nous ne s’en est encore senti le besoin. Mais on peut en bâtir une, dans le cas où il se trouverait des fidèles pour l’emplir. Il sera toujours loisible à un groupe de citoyens de se réunir pour se donner la satisfaction qui lui plaira. Et quant à la nécessité d’une religion, elle est en effet très réelle, lorsqu’on veut gouverner les hommes. Mais nous ne voulons pas les gouverner, nous voulons au contraire qu’ils vivent libres dans la Cité libre… Voyez-vous, monsieur l’abbé, ce n’est pas nous qui détruisons le catholicisme, il se détruit lui-même, il meurt lentement de sa belle mort, comme meurent nécessairement les religions, après avoir accompli leur tâche historique, à l’heure marquée par l’évolution humaine. La science abolit un à un tous les dogmes, la religion de l’humanité est née et va conquérir le monde. À quoi bon une église catholique à la Crêcherie, puisque la vôtre est