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déjà trop grande pour Beauclair, qu’elle devient de plus en plus déserte et qu’elle s’écroulera un de ces jours  ?   »

Très pâle, le prêtre ne comprit pas, ne voulut pas comprendre. Il se contenta de répéter, avec l’entêtement du croyant qui met sa force dans l’affirmation, sans raisonnements ni preuves  :

«  Si Dieu n’est pas avec vous, votre défaite est certaine. Croyez-moi, bâtissez une église.  »

Hermeline ne put se contenir davantage. Les éloges du prêtre le suffoquaient, surtout avec cette conséquence de la nécessité d’une religion. Et il cria  :

«  Ah  ! non, ah  ! non, l’abbé, pas d’église  ! Certes, je ne cache pas que les choses, ici, ne s’organisent guère selon mon goût. Mais, s’il est une de ces choses que j’approuve, c’est bien l’abandon de ton culte d’État… Gouverner les hommes, eh oui  ! mais ce ne sera plus les curés dans leurs églises qui les gouverneront, ce sera nous, les citoyens, dans nos mairies. Les églises, on en fera des grenier publics, des granges pour les récoltes.  »

Et, l’abbé Marle se fâchant, disant qu’il ne tolérerait pas en sa présence des paroles sacrilèges, la dispute devint si âpre, que le docteur Novarre dut intervenir, comme d’habitude. Jusque-là, il avait écouté de son air fin, avec ses yeux vifs, en homme très doux et un peu sceptique, qui ne se troublait pas pour des mots échangés même les plus violents du monde. Mais il crut s’apercevoir que Sœurette commençait à souffrir.

«  Voyons, voyons, vous voilà presque d’accord, puisque vous utilisez tous les deux les églises. L’abbé pourra toujours y dire sa messe, quitte à en abandonner un coin aux fruits de la terre, les années de grande abondance… Le bon Dieu, de quelque religion qu’il soit, ne dirait pas non.  »

Puis, il parla d’une rose nouvelle qu’il avait obtenue, très blanche, très pure, chauffée au cœur d’un flot de carmin.