Page:Zola - Travail.djvu/341

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Bonnaire, qu’il devait avoir débauchés et entraînés en quelque terrible chasse aux lézards. Tous trois, le nez levé, ils riaient, ils criaient, tandis que, de l’autre côté du mur, d’autres enfants, qu’on ne voyait pas, riaient, criaient aussi. Et il n’était point difficile de comprendre qu’il y avait eu, chez Nise Delaveau, un déjeuner de petits amis, lâchés maintenant dans le jardin, accourus aux appels de l’autre bande tous brûlant de se voir, de se réunir, pour bien s’amuser ensemble. Le pis était qu’on avait fini par murer la porte, las de les gronder inutilement, sans parvenir à les empêcher de voisiner. Chez Delaveau, on les punissait, avec la défense formelle d’aller même jusqu’au bout du jardin. À la Crêcherie, on s’efforçait de leur faire comprendre qu’ils seraient la cause d’une fâcheuse aventure, une plainte, un procès peut-être. Et ils passaient outre, en gamins candides qui cédaient aux forces inconnues de l’avenir, ils s’entêtaient à se mêler, à se confondre, fraternisant dans l’oubli total des rancunes et des luttes de classes.

Les voix aiguës, pures et cristallines, montaient toujours pareilles à des chants d’alouette.

«  C’est toi, Nise  ! bonjour, Nise  !

— Bonjour, Nanet  ! tu es seul, Nanet  ?

— Oh  ! non, non, j’ai Lucien et Antoinette  ! et toi, Nise, tu es seule  ?

— Oh  ! non, non, j’ai Louise et Paul  ! … Bonjour, bonjour, Nanet  !

— Bonjour, bonjour, Nise  !   »

Et, à chaque bonjour répété sans fin, n’étaient des rires, des rires encore, tellement cela leur semblait drôle, de causer ainsi sans se voir, comme si leur voix leur tombait du ciel.

«  Dis donc, Nise, tu es toujours là  ?

— Mais oui, Nanet, je suis toujours là  !

— Nise, Nise, écoute, tu ne viens pas  ?

— Oh  ! Nanet, Nanet, comment venir, puisqu’on