Page:Zola - Travail.djvu/343

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Un silence régna. On n’entendit plus que des craquements de vieux bois, mêlés à des rires étouffés. Et Luc se demandait s’il ne devait pas paraître pour rétablir l’ordre, en faisant envoler les deux bandes, comme des moineaux surpris dans une grange. Que de fois lui-même avait grondé ces enfants, par crainte que leurs jeux obstinés ne fussent la cause de quelque difficulté fâcheuse  ! Mais c’était si charmant, toute cette enfance, cette bravoure et cette allégresse à se rejoindre quand même, par-dessus les obstacles  ! Dans un instant, il sévirait.

Un cri de triomphe retentit, la tête de Paul apparaissait au ras du mur, et l’on vit Nanet qui le hissait, puis qui le passait de l’autre coté, pour le laisser tomber dans les bras de Lucien et d’Antoinette. Paul, bien qu’âgé lui aussi de quatorze ans passés, n’était pas lourd, tant il restait fluet et délicat, un joli enfant blond, très bon, très doux, avec des yeux fins de vive intelligence. Tout de suite dès qu’il fut tombé dans les bras d’Antoinette, il l’embrassa, car il la connaissait bien, il aimait se retrouver avec elle, parce qu’elle était grande et belle pour ses douze ans, et qu’elle avait beaucoup de grâce.

«  Ça y est, Nise  ! en voilà un  ! à qui le tour  ?   »

Mais la voix de Nise s’éleva inquiète, assourdie.

«  Chut  ! chut  ! Nanet. Ça remue là-bas, près du poulailler. Couche toi sur le mur, vite, vite  !   »

Puis, le danger passé  :

«  Nanet, attention  ! c’est le tour de Louise, je vas pousser Louise  !   »

Et, cette fois, en effet, ce fut la tête de Louise qui apparut, une tête de chèvre, aux yeux noirs un peu obliques, au nez mince, au menton aigu, d’une vivacité, d’une gaieté amusantes. À onze ans, elle était déjà une petite femme volontaire et libre, qui bouleversait ses parents, les bons Mazelle, stupéfaits qu’une telle sauvageonne, au cœur débordant, eût pu germer de leur placide égoïsme.