Page:Zola - Travail.djvu/344

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Elle n’attendit même pas que Nanet la transbordât, elle sauta d’elle-même, elle tomba au cou de Lucien, le camarade qu’elle adorait, l’aîné d’eux tous, grand et solide à quinze ans comme un homme, et qui, très ingénieux, très inventif, lui fabriquait des jouets extraordinaires.

«  Ça fait deux, Nise  ! N’y a plus que toi, monte vite  ! ça remue encore, là-bas, près du puits.  »

Des bois craquèrent, tout un pan du treillage dut s’abattre.

«  Oh  ! là, là, Nanet, je ne peux pas  ! C’est Louise qui a tapé des pieds et qui a tout jeté par terre.

— Attends, ça ne fait rien, donne-moi tes mains, Nise, et je te tirerai.

— Non, non  ! je ne peux pas  ! tu vois bien, Nanet, que j’ai beau me grandir, je suis trop petite  !

— Et quand je te dis, Nise, que je te tirerai… Encore, encore  ! Moi, je me baisse, et toi, tu te hausses. Houp là  ! tu vois bien que je te tire  !   »

Il s’était mis à plat ventre sur le mur, il ne s’y tenait plus que par un prodige d’équilibre  ; et, d’un vigoureux tour de reins, il enleva Nise, il l’assit à califourchon devant lui. Elle était encore plus ébouriffée que d’habitude, avec sa tête blonde de petit mouton frisé, à la bouche rose, toujours souriante, aux jolis yeux bleus, couleur du temps. Ils faisaient la paire, elle et son bon ami Nanet, tous les deux du même or tendre, de la même toison envolée aux quatre vents du ciel.

Un instant, ils restèrent à califourchon, face à face, dans le triomphe, ravis d’être ainsi en l’air.

«  Ah  ! ce Nanet, il est fort, il m’a tirée tout de même  !

— C’est que tu t’es faite très grande, Nise… J’ai quatorze ans, moi, tu sais.

— Et moi, Nanet, j’en ai onze… Hein, dis  ? c’est