Page:Zola - Travail.djvu/351

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électrique, dans laquelle elle avait l’ardent caprice de se faire promener, en une folie de vitesse.

«  Mais, cria Delaveau, s’oubliant, parce que cet imbécile finira par ruiner l’usine, avec ses continuelles dépenses. Nous sauterons, s’il ne se décide pas à restreindre son train. Et c’est si bête, la fête qu’il fait, sa stupide vanité à être mangé par tout le monde  !   »

Du coup, elle s’était remise sur son séant, un peu pâle, tandis qu’il aggravait encore sa confidence, en ajoutant, avec sa naïveté rude de mari aveugle  :

«  Il n’y a qu’une personne raisonnable à la Guerdache, la pauvre Suzanne, la seule qui ne s’y amuse pas. Ça fait pitié de la voir si triste, et comme je la suppliais aujourd’hui d’intervenir auprès de son mari, elle m’a répondu, en refoulant des larmes, qu’elle ne voulait se mêler absolument de rien.  »

Cet appel maladroit à la femme légitime, à la sacrifiée, si digne et si haute, dans son renoncement, acheva d’exaspérer Fernande Mais, surtout, l’idée que l’usine pouvait être en péril, la source même de ses plaisirs, l’émotionnait. Elle y revint.

«  Nous sauterons, pourquoi dis-tu ça  ? … Je croyais que les affaires allaient très bien.  »

Elle avait mis une telle passion inquiète dans la question, que Delaveau, pris de méfiance, redoutant de lui voir amplifier les craintes qu’il se cachait à lui-même, retint la vérité totale dont la colère allait lui arracher la confidence.

«  Les affaires vont très bien sans doute. Seulement, elles iraient mieux encore, si Boisgelin ne vidait pas la caisse, pour l’existence idiote qu’il mène. Je te dis qu’il est stupide, avec sa pauvre cervelle de bellâtre  !   »

Rassurée, Fernande s’allongea de nouveau, d’un souple mouvement de son corps adorable, si fin et si mince.