Page:Zola - Travail.djvu/371

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du puddlage. Le jour naissant y pénétrait à peine, deux fours seuls, allumés, trouaient les fumées volantes de deux rayons d’astre. Et elle ne savait où risquer le pied, parmi les flaques boueuses, sur le sol noirci de poussières de charbon encombré de lingots de fer. Une odeur âcre, faite des gaz des brasiers et des exhalaisons humaines, la prenait à la gorge. Pourtant, elle entra, et ce fut tout de suite que, dans le vide de la vaste halle, elle aperçut Ragu, qui se dirigeait vers la sorte de baraque en planches, où les ouvriers pendaient leurs vêtements. La nuit entière, le maître puddleur avait brassé l’acier, en un de ces furieux besoins d’anéantissement et d’oubli, qui lui faisaient manier le ringard comme une arme dont il aurait sabré le monde.

Il était encore trempé de sueur, ayant déjà ôté son tablier, n’étant plus vêtu que d’une chemise et d’une simple cotte, et, avant de remettre son vêtement de ville, il achevait son quatrième litre dépassant son habituelle ration de la nuit, buvant au goulot, ivre de vin, de flamme et de rage mal cuvée. Mais, brusquement, du seuil de la baraque, il vit Fernande, une femme toute blanche dans le noir affreux de la halle, si étonné d’une telle apparition, qu’il avança, pour se rendre compte.

Fernande, en le reconnaissant, la bouteille haute, se vidant dans le gosier ce qui restait du litre, s’était arrêtée, gênée davantage. Il était à demi nu, la chemise ouverte sur sa poitrine très blanche, les bras montrant aussi leur peau jusqu’aux épaules, cette peau fine et éclatante des roux, qui tranchait violemment avec le ton du visage congestionné et déjà cuit par le feu. Elle s’était dit que, pour l’aborder, elle attendrait qu’il eût remis ses vêtements. Mais elle ne put l’éviter, puisqu’il venait à elle, et elle dut immédiatement engager l’affaire.

«  C’est moi, Ragu, j’ai quelque chose à vous demander, et comme je vous savais là…  »