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associés des Combettes s’étaient mis à cultiver leur domaine en commun  ! Ils achetaient à bon compte les engrais, ils se procuraient les outils et les machines à la Crêcherie, en échange du pain, du vin, des légumes, qu’ils lui fournissaient. Ce qui faisait leur force, c’était justement de n’être plus isolés, d’avoir noué le lien solidaire désormais indestructible, entre le village et l’usine  ; et c’était la réconciliation rêvée, longtemps impossible, du paysan et de l’ouvrier, le paysan qui donne le blé nourrisseur de l’homme, l’ouvrier qui donne le fer pour que la terre soit ensemencée et que le blé pousse. Si la Crêcherie avait besoin des Combettes, les Combettes n’auraient pu être sans la Crêcherie. Enfin, l’union était faite, le mariage fécond, d’où naîtrait la société heureuse de demain. Et quel spectacle miraculeux, cette plaine renaissante, la veille presque abandonnée, se couvrant aujourd’hui de débordantes moissons  ! Au milieu des autres terres encore frappées de mort par la désunion et l’incurie, les Combettes faisaient comme une petite mer de grasses verdures, que tout le pays regardait avec stupéfaction, peu à peu avec envie. Tant de sécheresse, tant de stérilité hier, et tant de vigueur, tant d’abondance aujourd’hui  ! Alors, pourquoi ne pas suivre l’exemple de ceux des Combettes  ? Déjà des communes voisines s’intéressaient, questionnaient, voulaient en être. On parlait de Fleuranges, de Lignerolles, de Bonneheux, dont les maires dressaient des projets d’association, recueillaient des signatures. Bientôt, la petite mer verte grandirait, s’unirait à d’autres mers, étendrait toujours, toujours, son flot de puissantes verdures, jusqu’à ce que la Roumagne entière, à perte de vue, ne fût plus qu’un seul domaine, un seul océan pacifique de blé, assez vaste pour nourrir tout un peuple heureux. Et les jours étaient proches, car la terre nourricière, elle aussi, se mettait en marche.

Souvent, pour le plaisir, Luc faisait de longues promenades à