Page:Zola - Travail.djvu/402

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d’ouvrir la porte à tout le monde. C’était la mort du commerce, tel qu’on l’avait entendu jusque-là, l’intermédiaire entre le producteur et le consommateur, renchérissant la vie, vivant en parasite sur les besoins des autres. Un rouage inutile, mangeur de force et de richesse, dont la disparition était désormais chose certaine, du moment qu’un exemple démontrait avec quelle facilité on le supprimait, pour le bien-être de tous. Et, au milieu de leur bazar désert, les Laboque se lamentaient.

Lorsque Dacheux se présenta, la femme, noire et maigre, était au comptoir, inoccupée, n’ayant même plus le courage de tricoter, des bas tandis que l’homme, au nez et aux yeux de furet, allait et venait d’un air d’âme en peine, le long des cases de marchandises, envahies par la poussière.

«  Qu’est-ce qu’on me dit  ? cria le boucher congestionné, vous trahissez, Laboque, vous êtes sur le point de vous rendre  ! Vous qui avez perdu contre le bandit ce procès désastreux, vous qui aviez juré la mort du bandit, quitte à y laisser vous-même la peau  ! Et voilà que vous vous mettriez contre nous, que vous achèveriez le désastre  !   »

Mais Laboque s’emporta, dans l’effondrement où il était.

«  J’ai assez de peine, fichez-moi la paix  ! Ce procès imbécile, c’est vous tous qui m’y avez poussé. Maintenant, vous ne m’apportez sûrement pas de l’argent pour payer mes échéances de la fin du mois. Alors, qu’est-ce que vous venez me chanter là, avec la peau que j’ai promis d’y laisser  ?   »

Et, montrant d’un geste les marchandises endormies  :

«  Elle y est, ma peau, et si je ne m’arrange pas, les huissiers seront ici mercredi prochain… Oui  ! c’est vrai, puisque vous voulez que je vous le dise, oui  ! je suis en pourparlers avec la Crêcherie, je me suis entendu, et je