Page:Zola - Travail.djvu/405

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garder sa liberté d’action. Elle ne faisait pas encore partie de l’association de la Crêcherie mais elle comptait y entrer quand il lui plairait, le jour où elle serait convaincue d’agir dans l’intérêt des autres et d’elle-même.

«  Évidemment  ! conclut Laboque. Je ne peux pas faire autrement, je signerai ce soir.  »

Et le gémissement de Mme  Laboque recommence, infini.

«  Je vous l’ai dit, le monde s’est mis à l’envers, c’est la fin du monde  !

— Mais non  ! mais non  ! s’écria de nouveau la belle Mme  Mitaine, comment voulez-vous que le monde finisse, puisque voilà nos enfants bientôt en âge de se marier, et qu’ils auront des enfants, qui se marieront à leur tour, pour avoir des enfants encore  ? Les uns poussent les autres, le monde se renouvelle voilà  ! … C’est la fin d’un monde, si vous voulez.  »

Le mot tomba si net, si décisif, que Dacheux exaspéré, à bout de violence, s’en alla en faisant claquer la porte, le sang aux yeux, sous le frisson de l’apoplexie menaçante. C’était bien la fin d’un monde, la fin du commerce inique et pourrisseur, du commerce qui ne fait la fortune de quelques-uns que pour la misère du plus grand nombre.

Un dernier coup allait bouleverser Beauclair. Jusque-là, le succès de la Crêcherie n’avait agi que sur les industries similaires et que sur le petit commerce, vivant de la clientèle de la rue, au jour le jour. Aussi l’émotion fut-elle considérable, le beau matin où l’on apprit que le maire Gourier s’était laissé gagner aux idées nouvelles. Lui, solide, n’ayant besoin de personne, comme il le déclarait vaniteusement, n’entendait pas entrer dans l’association de la Crêcherie. Mais il créait à côté une association semblable, il mettait sa grande cordonnerie de la rue de Brias par actions, sur la base désormais