Page:Zola - Travail.djvu/410

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pas. Or, ce matin-là, les Mazelle, levés de bonne heure pour se rendre à l’église, osèrent l’aborder, afin d’avoir son opinion sur les affaires publiques, tellement ils redoutaient d’y trouver quelque désastre personnel.

«  Eh bien  ! monsieur le président, que dites-vous de ce qui se passe  ?   »

Il releva la tête, regarda un instant au loin. Puis, continuant son affreuse rêverie, pensant tout haut, comme si personne ne l’eût écouté  :

«  Je dis qu’il est bien long à venir, l’ouragan de vérité et de justice qui finira par emporter cet abominable monde.  »

Saisis, les Mazelle, ne croyant pas comprendre, bégayèrent  :

«  Comment, comment  ? … Vous voulez nous effrayer, parce que vous savez que nous ne sommes pas très braves. Ça, c’est vrai, et l’on nous plaisante un peu.  »

Mais déjà Gaume s’était repris. En reconnaissant les Mazelle, effarés devant lui, le visage blême, suant l’inquiétude de leur argent et de leur paresse, un pli d’ironie dédaigneuse avait contracté sa bouche.

«  Que craignez-vous  ? reprit-il, le monde durera bien encore vingt ans, et si vous vivez toujours, vous vous consolerez des ennuis de la révolution, en assistant à des choses intéressantes… C’est votre fille qui devrait se préoccuper de l’avenir.  »

Désolée, Mme Mazelle s’écria  :

«  Justement, c’est que Louise ne s’en préoccupe pas, oh  ! pas du tout  ! … Elle a treize ans à peine, et elle trouve très drôle ce qui se passe, quand elle nous entend naturellement en parler du matin au soir. Elle rit, pendant que nous nous désespérons. Les jours où je lui dis  : «  Mais, malheureuse  ! tu n’auras pas un sou  », elle me répond, avec un saut de chèvre  : «  C’est ça qui m’est égal, par exemple  ! et j’en serai plus gaie  !   » Elle est