Page:Zola - Travail.djvu/411

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gentille tout de même bien qu’elle nous donne peu de contentement.

— Oui, dit Gaume, c’est une enfant qui rêve de faire sa vie elle-même, il y en a comme ça.  »

Gazelle restait perplexe, craignant d’être plaisanté encore. L’idée qu’il avait fait fortune en dix ans, que depuis lors il jouissait de la délicieuse vie de fainéantise rêvée dès sa jeunesse, et que sa félicité d’oisif pouvait cesser, qu’il serait peut-être forcé de se remettre au travail, si tout le monde travaillait, le jetait à une angoisse sourde et continue, qui était comme un premier châtiment.

«  Mais la rente, monsieur le président, que deviendrait la rente selon vous, si tous ces anarchistes arrivaient à renverser le monde  ? … Vous vous souvenez, ce M. Luc, qui joue un si vilain rôle, nous plaisantait lui aussi, en racontant qu’on supprimerait la rente… Alors, autant qu’on nous égorge au coin d’un bois  !

— Dormez donc en paix, répéta Gaume avec son ironie tranquille, la société nouvelle vous nourrira, si vous ne voulez pas travailler.  »

Et les Mazelle s’en allèrent à l’église, car ils y brûlaient des cierges pour la guérison de Mme Mazelle, depuis que le docteur Novarre avait eu la brutalité, un jour, de dire à celle-ci qu’elle n’était pas malade. Pas malade  ! une maladie qu’elle soignait avec amour depuis tant d’années, dont elle vivait, tellement elle avait fini par en faire son occupation, sa joie, sa raison d’être  ! Le médecin la croyait donc incurable, puisqu’il l’abandonnait  ; et prise de terreur, elle s’était adressée à la religion, elle y trouvait de grands soulagements.

Sur le boulevard de Magnolles, dans ce désert troublé à peine par de rares passants, il était un autre promeneur, l’abbé Marle qui venait y lire son bréviaire. Mais, souvent, il laissait retomber le livre, il continuait à