Page:Zola - Travail.djvu/412

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marcher avec lenteur, perdu lui aussi au fond d’une songerie noire. Depuis les derniers événements, toute cette évolution emportant la ville à un destin nouveau, son église s’était encore vidée, il y restait à peine les très vieilles femmes du peuple, stupides et têtues, mêlées aux quelques bourgeoises qui soutenaient la religion comme le suprême rempart du beau monde, en train de crouler. Quand les derniers fidèles auraient déserté les églises catholiques, devenues les ruines d’une société morte, envahies par les ronces et les orties, une autre civilisation commencerait. Aussi, sous cette menace, ni les quelques bourgeoises, ni les très vieilles femmes du peuple ne consolaient l’abbé Marle du vide qu’il sentait se faire de plus en plus autour de son Dieu. Léonore, la femme du maire, avait beau être d’une prestance très décorative aux cérémonies du dimanche, et elle avait beau ouvrir sa bourse toute grande pour l’entretien du culte  : il n’ignorait point son indignité, son péché chronique d’adultère, que la ville entière acceptait, qu’il avait dû lui-même couvrir du manteau de son ministère sacré, mais qu’il réprouvait comme une damnation dont il serait responsable. Les Mazelle lui suffisaient moins encore, si enfantins, si bassement égoïstes, venant à lui dans l’unique espoir de tirer du Ciel une félicité personnelle, plaçant leurs prières ainsi qu’ils avaient placé leur argent, afin d’en toucher les rentes. Et tous et toutes étaient ainsi, dans cette société finissante, sans la véritable foi qui, aux premiers siècles, avait fondé le pouvoir du Christ, sans ce goût du renoncement et de l’obéissance totale, nécessaire aujourd’hui surtout à la toute-puissance de l’Église. Alors, il ne se le dissimulait plus, les jours étaient comptés, et si Dieu ne lui faisait pas la grâce de le rappeler bientôt à lui, il assisterait peut-être à l’affreuse catastrophe, le clocher s’écroulant, trouant la toiture de la nef, écrasant l’autel.