Page:Zola - Travail.djvu/430

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décombres fumants de la vieille société morte, qu’il avait eu la sottise de défendre  !

D’un coup de pied terrible, il renversa la cheminée, il la jeta au milieu de la pièce répétant son cri  :

«  Tu vas mourir  ! Tu vas mourir  !   »

Le coke embrasé s’était répandu sur le tapis, en une nappe rouge. Des morceaux avaient roulé jusqu’à une fenêtre. Les rideaux de cretonne flambèrent d’abord, tandis que le tapis s’allumait. Puis, les meubles, les murs s’enflammèrent avec une rapidité foudroyante. Bâtie légèrement, la maison prenait feu, pétillait et fumait comme une bourrée.

Alors, ce fut effroyable. Fernande, épouvantée, s’était mise debout, ramenant ses jupes de soie et de dentelle, cherchant le passage où les flammes ne les atteindraient pas encore. Elle se précipita vers la porte donnant sur le vestibule, avec la certitude qu’elle avait le temps de s’échapper, qu’elle serait d’un bond dans le jardin. Mais là, devant la porte, elle trouva Delaveau, dont les poings lui barraient le passage. Elle le vit si terrible, qu’elle se précipita vers l’autre porte, celle qui ouvrait sur la galerie de bois reliant le cabinet aux bâtiments voisins de l’usine. Déjà il n’était plus temps de fuir par ce côté, la galerie brûlait, faisant cheminée, avec un tel appel d’air, que les bureaux de l’administration étaient menacés. Et elle revint au milieu de la pièce, aveuglée, suffoquée, trébuchante, prise d’une rage à sentir sa robe qui flambait, ses cheveux dénoués qui prenaient feu à leur tour, sur ses épaules nues, criblées de brûlures. Et elle râlait, d’une voix affreuse  :

«  Je ne veux pas mourir  ! Je ne veux pas mourir  ! Laissez-moi passer, assassin  ! assassin  !   »

De nouveau, elle s’était jetée vers la porte du vestibule, et elle tâcha de forcer le passage, en se ruant sur son mari, toujours là, debout, immobile dans sa volonté farouche.