Page:Zola - Travail.djvu/433

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au bord de la gouttière  ; et, folle d’épouvante, en croyant que les flammes l’atteignaient déjà, elle sauta soudain dans le vide, elle vint s’aplatir près du perron, le crâne défoncé, tuée du coup.

Nanet, que les appels de Nise, de plus en plus affreux, bouleversaient, crut qu’elle aussi allait sauter. Il la vit sanglante à ses pieds, il jeta un dernier cri terrible.

«  Ne saute pas, je monte, je monte  !   »

Et il monta quand même le long de l’échelle, et, lorsqu’il fut au premier étage en flammes, il entra par une des fenêtres, dont les vitres avaient éclaté, sous la violence de la chaleur. Des secours arrivaient, beaucoup de monde se trouvait déjà sur la route et dans le jardin. Et il y eut, parmi la foule, quelques minutes d’effroyable anxiété, à suivre ce sauvetage d’une enfant par un autre, si follement brave. Le feu gagnait toujours, les murs craquaient, l’échelle semblait s’allumer elle-même, vide et debout contre la façade, où ne reparaissaient ni le garçon ni la fillette. Enfin, il revint, la tenant sur ses épaules, comme un agneau qu’on emporte. Il avait pu, dans cette fournaise, monter un étage, la saisir, redescendre, mais ses cheveux grésillaient, ses vêtements brûlaient, et, lorsqu’il se fut laissé glisser au bas de l’échelle, plutôt qu’il n’en descendit, avec son cher fardeau, tous les deux étaient couverts de brûlures, évanouis dans les bras l’un de l’autre serrés en une étreinte si étroite, qu’il fallut les porter ensemble à la Crêcherie, où Sœurette, tout de suite prévenue, vint leur servir d’infirmière.

Une demi-heure plus tard, la maison s’écroulait, pas une pierre n’en restait debout. Et le pis était que l’incendie, après s’être communiqué, par la galerie, aux bureaux de l’administration, venait de gagner des hangars voisins et dévorait maintenant la grande halle des fours à puddler et des laminoirs. L’usine entière était menacée, le feu faisait rage parmi ces vieux bâtiments presque tous en