Page:Zola - Travail.djvu/442

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fait à son image, d’une grande tendresse, d’une grande raison, débarrassé surtout de tous les préjugés de caste, prêt à vivre du travail de ses mains, le jour où les circonstances l’exigeraient. Il s’était passionné pour la terre, il passait des journées à la ferme, s’intéressant aux questions de culture, aux semences qui germent, aux moissons qui poussent. Et, justement, lorsque sa mère le pria de venir un instant, il se rendait chez Feuillat, pour voir un modèle nouveau de charrue.

«  Viens, mon enfant, ton père est dans le chagrin, et je désire que tu l’embrasses.  »

Il y avait eu rupture entre le père et le fils, comme entre l’époux et l’épouse. Pris tout entier par la mère, l’enfant avait grandi dans un respect froid pour cet homme qu’il sentait le méchant, le tourmenteur. Aussi Paul, saisi, touché, regarda-t-il quelques secondes ses parents, si pâles, si bouleversés d’émotion. Il comprit, il embrassa très affectueusement son père, il se jeta au cou de sa mère, pour l’embrasser elle aussi, de tout son cœur. La famille se retrouvait, il y eut là une minute heureuse, où l’on put croire que désormais l’entente serait parfaite.

Lorsque Suzanne à son tour l’eut embrassé, Boisgelin dut contenir une nouvelle crise de larmes.

«  Bien  ! bien  ! nous voilà d’accord. Ah  ! mes enfants, ça me rend du courage… Nous sommes dans une situation si terrible  ! Il va falloir nous entendre, prendre une décision.  »

Assis tous les trois, ils causèrent un moment, car il avait le besoin de parler, de se confier à cette femme et à cet enfant, après avoir si éperdument promené seul l’angoisse de sa faiblesse. Il crut devoir rappeler à Suzanne comment ils avaient acheté l’Abîme un million et la Guerdache cinq cent mille francs, avec les deux millions qui leur restaient, le million de sa dot à elle et le million sauvé dans la débâcle de sa fortune à lui. Les