Page:Zola - Travail.djvu/443

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cinq cent mille francs qui restaient sur les deux millions, remis aux mains de Delaveau, avaient servi comme fonds de roulement pour l’usine. Tout leur argent se trouvait donc placé là, et le pis était que, lors des derniers embarras, il avait fallu emprunter six cent mille francs, dette qui grevait lourdement l’exploitation. Il semblait bien que l’usine était morte, maintenant qu’elle était brûlée, et qu’il eût fallu payer les six cent mille francs, avant de la faire renaître de ses cendres.

«  Alors, à quoi vas-tu te décider  ?   » demanda Suzanne.

Il dit les deux solutions entre lesquelles il se débattait, sans pouvoir choisir, tant elles offraient de difficultés l’une et l’autre  : ou bien se débarrasser de tout, vendre ce qui restait de l’Abîme à n’importe quel prix, sans doute à peine de quoi payer la dette de six cent mille francs, ou bien trouver des fonds nouveaux, constituer une société, dont il serait, avec son apport des terrains et de l’outillage sauvé, combinaison qu’il sentait d’ailleurs chimérique. Et, chaque jour, la solution était plus pressante, car la ruine s’aggravait totale et certaine.

Suzanne fit une remarque.

«  Nous avons encore la Guerdache, nous pouvons vendre.

— Oh  ! vendre la Guerdache  ! répondit-il d’un air désespéré. Vendre ce domaine où nous nous plaisons, où nous avons nos habitudes  ! Et pour aller nous réfugier, nous cacher dans quelque trou de misère  ! Quelle déchéance, quelle affreuse douleur encore  !   »

Elle était redevenue grave, voyant bien qu’il ne s’accoutumait pas à l’idée d’une existence médiocre et sage.

«  Mon ami, il faudra bien toujours en venir là. Nous ne pouvons plus garder un train de maison si lourd.

— Sans doute, sans doute, on vendra la Guerdache, mais plus tard, lorsqu’une occasion se présentera. Si nous la mettions en vente maintenant, nous ne trouverions pas