Page:Zola - Travail.djvu/446

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«  Voilà… Je te disais que nous avions deux partis à prendre, ou vendre l’Abîme en nous débarrassant de tout, ou créer une société d’exploitation, dans laquelle je resterais. Eh bien  ! il y a un troisième moyen, une combinaison des deux autres qui serait de nous faire acheter l’Abîme par la Crêcherie, tout en nous réservant la meilleure part des bénéfices… Tu comprends  ?

— Non, pas tout à fait.

— C’est pourtant très simple… Ce Luc doit avoir une envie folle de nos terrains. Or, il nous a fait assez de mal, n’est-ce pas  ? il est bien légitime que nous tirions de lui une grosse somme. Et notre salut serait certainement là, surtout si nous avions en outre des intérêts dans la maison, ce qui nous permettrait de garder la Guerdache, sans rien diminuer de notre train d’existence.  »

Suzanne l’écoutait avec un grand saisissement de tristesse. Eh quoi  ! c’était toujours le même homme, l’effroyable leçon ne l’avait pas corrigé. Il ne rêvait que de spéculer sur les autres, de tirer profit de la situation où ils pouvaient être. Surtout, il n’avait toujours qu’un but, ne rien faire, rester l’oisif, l’entretenu, le capitaliste qu’il était. Dans le désespoir affolé où il se débattait depuis la catastrophe, il n’y avait que la terreur, la haine du travail, la pensée obsédante de se demander comment il s’arrangerait pour continuer à vivre, en ne rien faisant. Et, brusquement, sous les larmes déjà séchées, le jouisseur reparaissait.

Elle voulut savoir jusqu’au bout.

«  Mais, reprit-elle, qu’ai-je à voir dans cette affaire, pourquoi une demandais-tu si j’avais conservé des relations avec M. Froment  ?   »

Tranquillement, il répondit  :

«  Oh  ! mon Dieu  ! parce que ça m’aurait facilité les ouvertures que je songe à lui faire. Tu comprends, après des années de brouille, il n’est pas facile d’aborder