Page:Zola - Travail.djvu/521

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que de fois je l’ai vu rôder devant votre boucherie, Mme  Dacheux, et jouer avec votre Julienne  ! Les Laboque, les Bourron, les Lenfant, les Yvonnot, dont on célèbre maintenant les mariages, mais tout cela poussait ensemble, aux heures mêmes où les parents se déchiraient, et c’est aujourd’hui la grande et tendre moisson  !   »

Et elle riait plus haut, et elle avait son air d’infinie bonté, ayant gardé comme un parfum du bon pain tiède, au milieu duquel elle avait vécu, en belle boulangère blonde. Et, autour d’elle, la joie montait, on vint dire que d’autres fiançailles s’étaient faites, celles de Sébastien Bourron et d’Agathe Fauchard, celles de Nicolas Yvonnot et de Zoé Bonnaire. L’amour, le souverain amour élargissait sans cesse la réconciliation, achevait de fondre toutes les classes. C’était lui qui avait fécondé cette plaine, chargé les arbres d’une telle quantité de fruits que les arbres en cassaient, couvert les sillons d’une telle abondance de blé que les meules, d’un bout à l’autre de l’horizon, dressaient le temple de la paix. Il volait dans l’odeur puissante de cette fertilité, il présidait à ces noces heureuses d’où allait naître un pullulement de générations plus libres et plus justes. Et, jusqu’au soir, sous les étoiles, la fête dura, tout un triomphe de l’amour, rapprochant les cœurs, les fondant les uns dans les autres, parmi les danses et les chants de ce petit peuple joyeux, en marche pour l’unité et l’harmonie futures.

Mais, dans cette fraternité envahissante, il était un homme, un ancêtre, le maître fondeur Morfain, qui restait debout à l’écart, muet et sauvage, sans pouvoir, sans vouloir comprendre. Il demeurait toujours, comme un des Vulcains préhistoriques, dans son trou de rochers, près du haut fourneau dont il avait la surveillance  ; et il y vivait seul maintenant, en solitaire désireux de se mettre hors des temps, ayant rompu tout rapport avec les