Page:Zola - Travail.djvu/529

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cette production. Aussi les fours électriques marchaient-ils rarement plus de trois ou quatre heures, et là était la commodité, de pouvoir les éteindre et les rallumer, selon les besoins, afin d’en obtenir à l’instant la quantité voulue de matière première. Et quelle aisance, quelle propreté, quelle simplicité  ! Il n’y avait presque plus de poussières, les électrodes fournissant elles-mêmes le carbone nécessaire à la carburation du minerai. Des gaz seuls s’échappaient et les laitiers étaient si peu abondants, qu’on s’en débarrassait sans peine par des nettoyages quotidiens. Plus de colosse barbare, dont la bonne digestion donnait tant d’inquiétudes  ! Plus de ces organes multiples, encombrants, dont il avait fallu l’entourer, les épurateurs, les réchauffeurs, la machine soufflante, le continuel courant d’eau  ! Le ventre n’était plus menacé d’engorgement, de refroidissement. Pour une tuyère qui fonctionnait mal, on ne parlait plus de tout démolir, de vider le monstre en plein feu. Toute une petite armée, les chargeurs veillant au gueulard, les fondeurs tapant sur le tampon, se cuisant aux flammes des coulées, n’étaient plus en perpétuelle alerte, à se succéder en équipe de jour et en équipe de nuit. Sur quinze mètres de long, sur cinq de large, la batterie des dix fours électriques, avec son trottoir roulant, tenait à l’aise, dans le grand hangar vitré, gai et luisant, qui l’abritait. Et trois enfants auraient suffi, pour tout mettre en marche, l’un au bouton de la vis sans fin, l’autre au bouton des électrodes, le troisième au bouton du trottoir.

«  Qu’en dites-vous  ? qu’en dites-vous, mon brave Morfain  ?   » répétait Jordan, qui triomphait.

Le vieux maître fondeur, sans un mot, sans un geste, regardai toujours. La nuit tombait déjà, le hangar s’emplissait d’ombre, et le fonctionnement de la batterie était saisissant, dans sa régularité mécanique et douce. Froids, obscurs, les dix fours semblaient dormir, tandis que les