Page:Zola - Travail.djvu/532

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en plus élargi. Le fils aîné de Luc et de Josine, Hilaire Froment, un fort garçon de vingt-six ans déjà, épousa Colette, une délicieuse petite blonde dont les dix-huit ans fleurissaient, la fille de Nanet et de Nise, et, dès lors le sang des Delaveau s’apaisa dans le sang des Froment et de cette Josine misérable, ramassée jadis à demi morte de faim, au seuil de l’Abîme. Puis, ce fut une Froment encore, Thérèse, la troisième née, grande, belle et joyeuse, qui, à dix-sept ans, épousa Raymond son aîné de deux ans, le fils de Petit-Da et d’Honorine Caffiaux et, cette fois, le sang des Froment s’alliait à celui des Morfain les ouvriers épiques, et à celui des Canaux, l’ancien commercé que la Crêcherie était venue détruire. Enfin, ce fut Léonie, aux vingt ans aimables, la fille d’Achille Gourier et de Ma-Bleue, qui épousa un fils de Bonnaire, de même âge qu’elle, Séverin, le cadet de Lucien  ; et la bourgeoisie agonisante s’unissait là au peuple aux rudes travailleurs résignés des âges morts, ainsi qu’aux travailleurs révolutionnaires en train de se libérer.

On donna de grandes fêtes, la descendance heureuse de Luc et de Josine allait fructifier, pulluler, aider à peupler la Cité nouvelle bâtie par Luc pour que Josine, et tout le peuple avec elle, fussent sauvés de l’inique misère. C’était le torrent d’amour, la vie qui s’élargissait sans cesse, décuplant les moissons, faisant toujours pousser plus d’hommes pour plus de vérité et plus de justice. Le victorieux amour, jeune et gai, emportait les couples, les familles, la ville entière, à l’harmonie finale, au bonheur enfin conquis. Et chaque mariage amenant l’éclosion, parmi les verdures, une petite maison de plus, le flot des maisons blanches ne s’arrêtait jamais, achevait d’envahir et de balayer l’ancien Beauclair. Le vieux quartier lépreux, les masures immondes où le travail avait agonisé pendant des siècles, était