Page:Zola - Travail.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

couples nés à l’amour, chez lesquels se rallumait l’inextinguible désir, la torche de vie que les générations se passent de l’une à l’autre. Ils étaient encore dans le chaste frisson des premiers mots balbutiés, des caresses innocentes, une étreinte où les cœurs ignorants se cherchent, un baiser furtif dont la douceur suffit à ouvrir le ciel.

Mais, bientôt, en sa flamme souveraine, le besoin de l’enfant les unirait, les confondrait, pour que d’autres ouvriers d’amour naquissent d’eux, d’autres couples, qui, plus tard, viendraient dans ce parc promener de même le délicieux éveil de leur tendresse. Toujours, maintenant, il y aurait plus de bonheur, plus de libre passion travaillant à plus d’harmonie. Et des couples, des couples arrivaient sans cesse, le parc achevait de se peupler peu à peu de tous les amoureux de la Cité heureuse, c’était la soirée exquise après la bonne journée de travail, des pelouses et des taillis de songe, noyés de mystère et de parfum, où l’on n’entendait plus que le petit bruit des rires et des baisers.

À ce moment, devant le salon, une ombre s’arrêta. C’était Suzanne inquiète, qui cherchait Luc, pour lui dire son souci. Et, quand elle l’eut enfin retrouvé là, elle lui expliqua combien elle se tourmentait de n’avoir pas encore vu Boisgelin rentrer. Jamais il ne s’était attardé ainsi, jusqu’à la nuit tombée.

«  Vous aviez raison, répétait-elle, j’ai eu tort de le laisser à sa folie… Ah  ! le malheureux, le vieil enfant  !   »

Luc, gagné par ses craintes, la renvoya chez elle.

«  Il peut rentrer d’une minute à l’autre, le mieux est que vous soyez là… Moi, je vais faire battre les environs, et je vous porterai des nouvelles.  »

Tout de suite, il prit deux hommes avec lui, il traversa le parc, dans l’idée de commencer les recherches du côté des ateliers. Mais il avait à peine fait trois cents pas, il se trouvait près du petit lac, sous les saules, en un coin de