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messe, en héros de la foi, seul avec son Dieu délaissé tandis que les voûtes se fendaient au-dessus de l’autel.

Ce matin-là, l’abbé Marle remarqua qu’une immense crevasse nouvelle s’était produite, pendant la nuit, à la voûte de la nef. Et certain de l’effondrement attendu depuis des mois, il vint pourtant célébrer sa dernière messe, vêtu de ses habits sacerdotaux les plus riches. Très grand, très fort, avec son nez en bec d’aigle, il se tenait encore droit et ferme, malgré son grand âge. Il se passait de servants, il allait, il venait, disait les paroles sacramentelles, faisait les gestes consacrés, comme si une foule se fût pressée là, docile à sa voix. Et, dans l’abandon croissant, des chaises brisées gisaient seules sur les dalles, pareilles à ces sièges de jardin, lamentables noirs de moisissure, oubliés l’hiver sous la pluie. Des herbes poussaient au pied des colonnes, qui se couvraient de mousse. Tous les vents soufflaient par les vitres cassées, pendant que la grand-porte elle-même, descellée à demi, laissait pénétrer les bêtes du voisinage. Mais, par ce beau jour clair, le soleil surtout entrait en vainqueur, c’était comme un envahissement triomphal de la vie qui prenait possession de cette ruine tragique, où des oiseaux voletaient, où des avoines folles germaient jusque dans les manteaux de pierre des vieux saints. Et, dominant l’autel, un grand christ de bois peint et doré régnait encore, allongeait son corps blême et douloureux de supplicié, éclaboussé d’un sang noir, dont les gouttes ruisselaient comme des larmes.

Pendant l’évangile, l’abbé Marle entendit un craquement plus fort. Des poussières, des débris de plâtre tombèrent sur l’autel.

Puis, au moment de l’offertoire, le bruit recommença, déchirant d’une sécheresse sinistre, et il y eut un vacillement, comme si l’édifice oscillait quelques secondes, avant de s’écraser. Alors le prêtre, réunissant les forces dernières de sa foi, pour l’élévation,