Page:Zola - Travail.djvu/601

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de panneaux, de frises, de corniches dont les bleus de liserons, les jaunes de pissenlits, les rouges de coquelicots, les faisaient ressembler à des grands bouquets fleuris entre les massifs verts des arbres. Rien n’était d’un charme plus gai, on sentait là une floraison renaissante de la beauté populaire, un peu déjà de cette beauté à laquelle le peuple avait droit et que son génie épanouirait de plus en plus, en moisson de chefs-d’œuvre. Puis, sur les places, aux carrefours des larges avenues, se dressaient les monuments publics, d’immenses constructions où le fer et l’acier triomphaient en des charpentes hardies. La magnificence en était faite de simplicité, d’appropriation logique à l’usage, d’intelligente grandeur dans le choix des matériaux et dans la décoration. Tout le peuple devait y être chez lui, les musées les bibliothèques, les théâtres, les bains, les laboratoires, les salles de réunions et de divertissements, n’étaient que des maisons communes ouvertes à la nation entière, où se vivait librement, fraternellement, la vie sociale. Et des essais de portiques s’ébauchaient déjà, des bouts d’avenue couverts de vitres, et qu’on se proposait de chauffer l’hiver, pour permettre la tranquille circulation, par les grandes pluies et par les grands froids.

Cependant, Ragu donnait malgré lui des signes de surprise, et Bonnaire, le voyant absolument perdu, se mit à rire.

«  Ah  ! ce n’est plus très facile de se reconnaître… Nous sommes sur l’ancienne place de la Mairie, tu te souviens, cette place carrée d’où partaient les quatre grandes voies, la rue de Brias, la rue de Formeries, la rue de Saint-Cron et la rue de Magnolles. Seulement comme le vieux bâtiment de la mairie tombait de pourriture, on l’a démoli, avec l’école ancienne, où tant de gamins avaient ânonné, sous la férule. Et tu vois, à la place, cette série de grands pavillons, les laboratoires de chimie et de physique,