Page:Zola - Travail.djvu/627

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paix pour tous les hommes… Josine, fais une place, et vous, notre ami, que nous ne connaissons pas, approchez-vous, asseyez-vous entre ma femme et moi, car nous voulons honorer en vous tous nos frères inconnus des autres villes du monde.  »

Ragu, comme pris d’une épouvante sainte, recula encore.

«  Non, non  ! je ne puis pas  !

— Pourquoi donc  ? demanda Luc doucement. Si vous venez de loin, si vous êtes las, vous trouverez ici des mains secourables et consolatrices. Nous ne vous demandons ni votre nom ni votre passé. Chez nous, tout est pardonné, seule la fraternité règne, pour le bonheur de chacun mis dans le bonheur de tous… Et, chère femme, dis-lui donc aussi ces choses, qui seront plus douces, plus convaincantes sur tes lèvres, puisque, moi, je ne semble réussir qu’à l’effrayer.  »

Alors, Josine elle-même parla.

«  Tenez  ! mon ami, voici notre verre, pourquoi ne boiriez-vous à notre santé et à la vôtre  ? Vous venez de loin, et vous êtes notre frère, nous aurons plaisir à élargir encore notre famille. Il est d’usage à Beauclair maintenant, les jours de fête, de se donner le baiser de paix, qui efface tout… Prenez et buvez, pour l’amour de tous  !   »

Mais Ragu recula de nouveau, plus pâle et plus tremblant, frappé de la terreur des sacrilèges.

«  Non, non  ! je ne puis pas  !   »

À ce moment, Luc et Josine eurent-ils le soupçon de la vérité, reconnurent-ils le misérable qui revenait pour souffrir encore, après avoir traîné si longtemps son destin de paresse et de corruption  ? Ils le regardèrent de leurs yeux de bonté heureuse, où passait une grande tristesse pitoyable. Et Luc conclut simplement  :

«  Allez donc à votre gré, puisque vous ne pouvez pas