Page:Zola - Travail.djvu/642

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Mais alors, ce fut Luc qui se récria.

«  Oh  ! mon ami, ne parlons pas d’exemple. C’est vous qui m’en avez donné un, continuellement, le plus haut, le plus magnifique  ! …

Souvenez-vous de mes lassitudes, de mes défaillances parfois, et toujours je vous ai trouvé debout, avec plus de courage, plus de foi dans votre œuvre, même les jours où toute certitude semblait crouler autour de vous… Votre force invincible a été de ne croire qu’au travail, de mettre en lui l’unique santé, l’unique raison d’agir et de vivre. Et votre œuvre est ainsi devenue votre cœur et votre cerveau mêmes, le sang dont battaient vos veines, la pensée veillant sans cesse au fond de votre intelligence. Elle seule existait, elle seule se bâtissait de toute la vie que vous lui donniez heure par heure… Aussi quel monument impérissable, quel don de splendeur et de bonheur vous allez laisser aux hommes  ! Mon œuvre à moi, le constructeur de ville, le pasteur de peuple, n’aurait sans doute pu se faire, et ne serait rien encore, si la vôtre n’était pas.  »

Il y eut un silence, un vol d’oiseaux passa, le soleil d’automne pleuvait des branches dépouillées, avec une douceur plus tendre, à mesure que le soir tombait. Maternellement, Sœurette s’inquiéta, releva la couverture sur les genoux de Jordan, tandis que Josine et Suzanne se penchaient vers Luc, dans la crainte de le voir se fatiguer. Et ce dernier reprit  :

«  La science reste la grande révolutionnaire, vous me le disiez au début, et chaque pas en avant de notre longue existence est venu me prouver combien vous aviez raison… Est-ce que le Beauclair d’aisance et de solidarité serait déjà possible, si vous n’aviez mis à sa disposition cette énergie électrique, l’agent devenu nécessaire de tout travail, de toute vie sociale  ? La science, la vérité seule émancipera l’homme toujours davantage, le fera le maître de sa destinée, lui donnera la souveraineté du