Page:Zola - Vérité.djvu/119

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bataille allait être plus rude. Et ce mot de « socialistes » prenait sur ses lèvres une amertume agressive, la peur et la colère de la République bourgeoise qui possède, en face de la lente et irrésistible montée de la République sociale, qui veut posséder.

— Alors, mon brave, comment voulez-vous que je vous aide ? Me voilà les jambes et les bras liés, car il nous faut tenir compte de l’opinion publique… Oh ! je ne vous parle pas pour moi, je suis certain de mon élection ; mais je suis bien forcé de me solidariser avec mes collègues, afin de ne pas les laisser sur le carreau… Et puis, n’est-ce pas ? s’il s’agissait simplement de mon mandat, je le sacrifierais sur l’heure pour n’obéir qu’à ma conscience, je crierais à voix haute ce que je crois être la vérité. Seulement, c’est la République elle-même qui est en jeu, et ce dont il s’agit, c’est de ne pas la faire battre en nos personnes… Ah ! si vous saviez, quelles abominables rancœurs parfois !

Ensuite, il se mit à se plaindre du préfet, Hennebise, ce bel homme à binocle, bien tenu, bien coiffé, qui ne l’aidait pas du tout, dans sa crainte de se compromettre près de son ministre ou près des jésuites, ménageant les deux, répétant toujours d’un air inquiet : « Oh ! pas d’affaire ! » Certainement, il penchait vers les curés et vers les militaires, et il fallait encore le surveiller, celui-là, tout en adoptant sa tactique de diplomatie et de compromissions.

— Enfin, mon brave, vous voyez un homme désespéré, réduit pour neuf mois à calculer chacun de ses pas et chacune de ses paroles, s’il ne veut point donner le plaisir à la cléricale de se faire huer par les lecteurs du Petit Beaumontais. Cette affaire Simon tombe vraiment trop mal… Ah ! si nous n’avions pas les élections devant nous ! Oui, je marcherais tout de suite !

Et, soudainement, dans son grand calme habituel, il se fâcha.