Page:Zola - Vérité.djvu/129

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disait pas la vérité, quand elle parlait de la tranquillité riante, de la tendresse gaie de son mari, cette nuit-là ; et la preuve en était dans la déposition de Mignot, si étonné du lever tardif de l’instituteur, le lendemain, et qui prétendait l’avoir trouvé blême, grelottant, se soutenant à peine, lorsqu’il était allé le réveiller, pour lui apprendre l’affreuse nouvelle. Mlle  Rouzaire, le frère Fulgence, le père Philibin, tous étaient d’accord sur ce point : Simon avait manqué défaillir devant le petit corps, bien qu’il eût alors montré la plus révoltante sécheresse de cœur. Et n’était-ce pas encore là une preuve accablante ? La culpabilité du misérable ne pouvait faire doute pour personne.

Lorsque Delbos eut exposé ainsi la thèse de l’accusation, il reprit :

— Les impossibilités morales y sont grossières, aucun homme de quelque bon sens ne croira Simon coupable ; et puis, on y relève aussi bien des invraisemblances matérielles. Mais nous ne saurions nous le dissimuler, ce conte effroyable se tient suffisamment debout pour s’emparer de l’imagination de la foule et devenir une de ces fables légendaires, qui prennent la force des vérités inattaquables… Et notre faiblesse est de ne pas avoir une histoire, la vraie, que nous puissions opposer à la légende en train de se former. L’hypothèse du rôdeur de nuit, à laquelle vous semblez tenir, n’est bonne qu’à jeter le doute dans l’esprit des jurés ; car elle rencontre, elle aussi, les plus sérieuses objections… Alors, qui donc accuser et quel va être mon système de défense ?

Marc, très attentif, muet jusque-là, ne put retenir ce cri, où toute sa conviction, lentement formée, éclatait :

— Mais il n’y a pas de doute pour moi, c’est un frère qui est le violateur et l’assassin !

Et Delbos, heureux, l’approuvant d’un geste énergique, dit à son tour :